Apporter les titres de sa société à une société holding soumise à l’IS contrôlée par l’apporteur

L’opération consiste, pour un contribuable personne physique, à créer une société holding nouvelle soumise à l’impôt sur les sociétés et à apporter à cette dernière les titres qu’il détient dans une autre société qu’il contrôle. En contrepartie des titres apportés, il reçoit des titres émis par la société holding bénéficiaire des apports (échange de titres).

Outre l’intérêt propre à la création d’une holding (qui ne sera pas traité dans cet article), ce type d’opération présente pour l’apporteur, à condition qu’il contrôle la holding après l’opération, divers avantages fiscaux dont les principaux sont détaillés ci-après.

Bien entendu, l’opération d’apport des titres d’une société opérationnelle à une société holding doit avant tout avoir un objectif économique indéniable (ex : regroupement d’activités au sein d’une même structure et création d’un ensemble homogène et bien organisé, rationalisation de la gestion…) et ne pas résulter de la seule recherche d’un motif fiscal. A défaut, l’administration pourrait être autorisée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal.

1  Report d’imposition de la plus-value d’échange

Du point de vue fiscal, l’échange des titres consécutif à l’apport fait à la holding, produit les effets d’une cession.

En conséquence, dans le cas où les titres que l’apporteur reçoit en remplacement de sa participation d’origine ont une valeur supérieure au prix de revient de celle-ci, la plus-value d’échange des titres apportés – différence entre la valeur d’apport des titres apportés et leur prix d’acquisition ou de souscription, minorée s’il y a lieu d’un abattement pour durée de détention soit de droit commun soit majoré et calculé en fonction de la durée séparant la souscription ou l’acquisition des titres apportés et la réalisation de l’apport – doit être soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux actuellement au taux global de 15,5 %.

Cependant, dans la mesure où il serait inéquitable de faire supporter à l’apporteur l’imposition d’un profit qui n’est que potentiel aussi longtemps qu’il n’aura pas cédé les titres reçus en échange pour un prix au moins égal à la valeur qu’ils comportaient lors de l’échange et qui, de surcroît, ne lui procure aucune disponibilité immédiate, l’article 150-0 B ter du Code Général des Impôts prévoit un report d’imposition de la plus-value (et partant, de l’assujettissement de celle-ci aux prélèvements sociaux) ce, jusqu’à la cession effective des titres nouveaux reçus en échange des titres apportés.

Il en résulte que tant que les titres de la holding reçus en rémunération des titres apportés n’ont pas été cédés, il n’y a pas d’impôt de plus-value et de prélèvements sociaux à acquitter par l’apporteur du simple fait de l’échange des titres.

A noter que l’apporteur devra tout de même déclarer la plus ou moins-value en report dans sa déclaration de revenus afférente à l’année de l’échange des titres.

Mais, même si la loi fiscale oblige le contribuable à mentionner le montant de sa plus-value dans sa déclaration annuelle de revenus, cette mention ne saurait être considérée comme une condition d’application du report.

L’administration fiscale ne pourra donc pas refuser le bénéfice du report à des non déclarants ni contester la pleine application du report à des plus-values dont la déclaration est à ses yeux entachée d’une sous-estimation.

2  Cession en quasi-franchise d’impôt après un délai de 3 ans des titres apportés à la holding

Le report d’imposition est maintenu si la holding bénéficiaire de l’apport cède les titres apportés après un délai de 3 ans.

Lors de cette cession, la holding sera imposable sur la plus-value de cession, mais celle-ci sera faible voire nulle pour deux raisons principales :

–  la plus-value est calculée par différence entre le prix de cession et la valeur d’apport ;

–  la plus-value résultant de la cession de titres de participation détenus depuis au moins deux ans est exonérée, sous réserve de la taxation d’une quote-part de frais et charges (fixée forfaitairement à 12 % du montant brut de la plus-value de cession) qui est comprise dans le résultat ordinaire de l’exercice de la société cédante.

Le taux d’imposition serait donc de 15 % (IS au taux réduit) ou 33 1/3 % (IS au taux normal) multiplié par 12 %.

L’opération permet ainsi de localiser dans la société holding les titres de la société filialisée (recelant en principe une plus-value importante), laquelle holding pourra ensuite les céder en quasi-franchise d’impôt 3 ans plus tard.

Certes, la trésorerie consécutive au produit de la cession des titres apportés est optimisée mais demeure dans la holding.

En cas de cession des titres apportés dans un délai de 3 ans à compter de l’apport, il est mis fin au report d’imposition (CGI art. 150-0 B ter, I-2°).

En vertu de l’article 150-0 B ter, I-2° du CGI, le report est toutefois maintenu, lorsque le produit de la cession des titres apportés intervenue dans les 3 ans de l’apport est réinvesti dans un délai de 2 ans à compter de la cession à hauteur d’au moins 50 % de celui-ci :

–  dans le financement d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exception de la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier ;

–  dans l’acquisition d’une fraction du capital d’une société exerçant une telle activité, sous la même exception, et qui a pour effet de lui en conférer le contrôle ;

–  dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l’augmentation de capital d’une ou plusieurs sociétés soumises à l’IS répondant aux conditions prévues au b du 3° du II de l’article 150-0 D bis du CGI : société exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exception de la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier, ou société ayant pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant les activités précitées, les dites conditions s’appréciant de manière continue pendant les huit années précédant la cession.

Le non-respect de la condition de réinvestissement met fin au report d’imposition au titre de l’année au cours de laquelle le délai de deux ans expire.

3  Exonération sous conditions de la plus-value en report en cas de donation des titres reçus en échange

La transmission par donation des titres reçus en échange a pour conséquence l’exonération définitive de la plus-value dont l’imposition a été reportée au moment de l’apport sauf si le donataire, ayant le contrôle la holding bénéficiaire de l’apport après la donation, cède :

–  les titres donnés dans un délai de 18 mois après la donation,

–  les titres apportés par le donateur à la holding avant l’expiration du délai précité de 3 ans (dans cette dernière hypothèse, le report d’imposition pourra être maintenu si la holding prend l’engagement de réinvestir au moins 50 % du produit de la cession des titres apportés dans les 2 ans de la cession).

En cas de donation des titres, des droits de donation seront bien entendu exigibles.

4  Possibilité d’allouer à l’apporteur, lors de l’échange des titres, une soulte – non imposable immédiatement – payée en numéraire ou inscrite en compte courant d’associé

Concernant la qualification juridique des apports de titres rémunérés par des titres et par une soulte (somme en numéraire payée à l’apporteur par la holding bénéficiaire de l’apport ou inscrite, en tant que reconnaissance de dette, au crédit de son compte courant dans les livres de celle-ci), un apporteur peut parfaitement, pour partie, être rémunéré autrement que par l’attribution de droits sociaux (versement d’un prix, attribution de titres de créances soustraits aux aléas de l’entreprise, ou règlement d’un passif grevant le bien apporté).

Il est donc possible de faire des opérations d’échange avec soulte.

Mais dans ce cas, le report d’imposition prévu par l’article 150-0 B ter du Code Général des Impôts est subordonnée à la condition que la soulte n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus à l’échange (et non de 10 % de la valeur de l’apport ; la confusion est parfois malencontreusement commise en pratique, suscitant des conséquences désastreuses à l’occasion de contrôles fiscaux. En effet, c’est la remise en cause de l’intégralité du différé d’imposition qui est encourue).

Le montant de la soulte ainsi reçue lors de l’échange ne constitue pas un produit imposable en tant que tel ; il viendra diminuer le prix d’acquisition des titres échangés pour le calcul de la plus-value résultant de la cession ultérieure des titres reçus en échange (article 150-0 D 9 du Code Général des Impôts).

Des droits d’enregistrement seront par contre à acquitter aux taux suivants sur le montant de la soulte reçue :

 –  0,1 % si les titres apportés sont des actions ;

–  3 % si les titres apportés sont des parts sociales (après abattement de 23 000 €uros sur la totalité du capital de la société apportée).

5  Notre analyse

 

5.1  Sur le versement d’une soulte et l’abus de droit

Certains auteurs considèrent que lorsqu’une holding vient d’être créée pour recevoir les titres d’une société opérationnelle, l’attribution d’une soulte au moment de l’échange peut constituer un abus de droit ce, dans la mesure où la soulte reçue est artificielle et vise avant tout à obtenir des liquidités en optimisant la fiscalité.

A notre niveau, nous pensons que cette première analyse n’est pas forcément systématique et devrait donc pouvoir être nuancée.

Tout d’abord, il n’existe, à ce jour, aucune jurisprudence ou affaire de ce type qui aurait d’ores et déjà été examinée par le comité de l’abus de droit.

Ensuite, nous considérons que la soulte n’étant qu’une modalité d’exécution d’une opération plus globale, dès lors que l’opération d’apport considérée dans son ensemble répond à un motif non fiscal, l’administration ne devrait pas être autorisée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal à l’encontre de la seule soulte, qui n’est par elle-même ni un acte ni une opération.

Dans les faits, le versement d’une soulte pourrait parfaitement avoir un intérêt bien spécifique, autre que fiscal.

Prenons l’exemple d’une société F1 valorisée 3 M€ et dont le capital est détenu à 99 % par Monsieur X et à 1 % par son épouse. L’opération d’apport des titres de F1 à une holding H pourrait prévoir de ne verser une soulte (d’un montant de 297 000 €uros, soit 3 000 000 x 99 % x 10 %) qu’à Monsieur X ce, afin de le diluer dans le capital de la holding au profit de son épouse qui, elle, verrait son apport rémunéré uniquement par l’attribution de titres de la holding, c’est-à-dire sans versement d’aucune soulte. L’objectif recherché est également ici de diminuer le pourcentage de détention de Monsieur X dans le capital de la holding et de rééquilibrer les participations au sein du couple. Si le régime matrimonial du couple est le régime de la séparation des biens, l’intérêt patrimonial décrit ci-avant serait d’autant moins contestable.

En outre, le régime du report étant par nature un dispositif anti-abus de droit, une opération relevant de ce dispositif devrait par essence être définitivement exempt du grief d’abus, sous réserve d’un éventuel mésusage de la faculté de stipuler une soulte dans la limite posée par la loi.

Il faut notamment préciser qu’il convient de ne pas réaliser une évaluation excessive des titres apportés afin que le montant de la soulte ne puisse être considéré comme excédant 10 % de la valeur nominale réelle des titres émis en échange.

Au cas d’espèce, l’intervention d’un commissaire aux apports ayant pour mission de s’assurer que la valeur des apports n’est pas surévaluée étant généralement requise, ce risque devrait s’avérer, en pratique, inexistant ou limité.

5.2  Sur les droits d’enregistrement inhérents aux apports rémunérés par l’attribution d’une soulte

Concernant les droits d’enregistrement exigibles sur le montant de la soulte, à notre avis, une exonération pourrait être possible, si le paiement de ladite soulte restait aléatoire et soumis aux risques et aléas de la société bénéficiaire des apports. Tel pourrait être le cas dans l’hypothèse ou une convention de compte courant stipulerait que le remboursement de la soulte inscrite en compte courant serait subordonné à la réalisation de bénéfices par la société bénéficiaire des apports.

Nous espérons que cet article vous aura donné entière satisfaction.

Bien évidemment si vous avez une quelconque question sur ce thème, n’hésitez pas à nous contacter, DEFI GROUPE CONSULTING est là pour vous conseiller et répondre à vos questions.

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