1 Textes législatifs applicables et sociétés concernées
L’article L. 225-132 du Code de commerce, applicable aux sociétés anonymes, est le texte de référence reconnaissant aux actionnaires un droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital.
Ses dispositions s’appliquent également aux sociétés en commandite par actions, par renvoi de l’article L. 226-1 du même code, et aux sociétés par actions simplifiées, par renvoi de l’article L. 227-1 dudit code.
En revanche, la loi n’a pas prévu de droit préférentiel de souscription dans les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, ou encore les sociétés civiles immobilières. Toutefois ce droit peut parfaitement être accordé par les statuts ou sur décision collective des associés pour une augmentation de capital déterminée.
2 Définition et rôle du droit préférentiel de souscription
Conformément à l’article L. 225-132 du Code de commerce, toute augmentation de capital en numéraire (c’est-à-dire en espèces ou par compensation avec des créances liquides et exigibles détenues sur la société) ouvre aux actionnaires d’une société anonyme, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions nouvelles.
Le droit préférentiel de souscription est le droit pour les actionnaires anciens – ceux qui sont déjà actionnaires de la société au moment de l’augmentation de capital – de souscrire à celle-ci par priorité à d’éventuels nouveaux actionnaires. Il s’agit d’un droit qui ne peut être réduit ; aussi parle-t-on de droit de souscription à titre irréductible.
N.B : le droit préférentiel de souscription est instauré pour les seules émissions d’actions à libérer en numéraire. Dans le cas d’une augmentation de capital par incorporation de réserves, avec pour effet une distribution d’actions gratuites, le droit reconnu aux actionnaires dans ce cas est un droit préférentiel d’attribution.
Le droit préférentiel de souscription permet :
– de protéger l’actionnaire en lui permettant de participer prioritairement à l’opération d’augmentation de capital et conserver ainsi son pourcentage de détention initial dans le capital de la société anonyme ; ce qui évite une dilution des droits attachés aux actions détenues (droit de vote, droit aux dividendes, droit au boni de liquidation) ;
– d’éviter, lorsqu’il existe des réserves ou des plus-values latentes incluses dans l’actif social et que le prix d’émission des actions nouvelles est inférieur à la valeur intrinsèque (c’est-à-dire la juste valeur ou la valeur réelle) de l’action avant l’augmentation de capital, que les actionnaires anciens qui n’auraient pas souscrit à l’augmentation de capital soient lésés par la baisse de valeur de l’action après l’augmentation de capital.
La compréhension de ce dernier point nécessite de comprendre préalablement que le prix d’émission des actions nouvelles influence directement la valeur du droit préférentiel de souscription, comme nous allons l’expliquer ci-après.
3 Influence du prix d’émission des actions nouvelles sur la valeur du droit préférentiel de souscription
Prenons l’exemple d’une société anonyme au capital de 1 000 000 € divisé en 100 000 actions de 10 € et possédant des réserves et plus-values latentes évaluées à 1 500 000 €.
La société envisage de procéder à une augmentation de son capital pour réaliser un investissement évalué à 1 000 000 €.
L’opération, susceptible de faire entrer de nouveaux actionnaires dans le capital de la société, ne doit pas porter atteinte aux droits des anciens actionnaires.
Ces derniers détiennent, en effet, des titres dont la valeur réelle peut être estimée à 2 500 000 / 100 000 = 25 €.
Pour atteindre cet objectif, il faut envisager d’émettre les actions nouvelles au prix d’émission de 25 €, soit 40 000 actions nouvelles à émettre.
Après l’opération, les capitaux propres augmenteront de 1 000 000 €, décomposés comme suit :
– Augmentation du capital : 40 000 x 10 € = 400 000 €
– Prime d’émission : 40 000 x (25 – 10) = 600 000 €
Et la valeur de l’action après l’augmentation de capital restera égale à : (2 500 000 + 1 000 000) / (100 000 + 40 000) = 25 €
N.B : la prime d’émission, soit la différence entre le prix d’émission et la valeur nominale des actions émises, est le droit d’entrée versé par les nouveaux actionnaires en plus du montant nominal des actions souscrites pour égaliser les droits des actionnaires anciens et nouveaux, lorsqu’il existe des réserves ou des plus-values latentes incluses dans l’actif social. Elle représente la contrepartie des droits que les actionnaires nouveaux acquièrent sur ces réserves ou plus-values. Bien entendu, il ne peut y avoir de prime d’émission que si la valeur réelle théorique des titres émis est supérieure à leur valeur nominale.
Supposons que la société décide finalement d’émettre les actions nouvelles à un prix d’émission de 20 €, soit 50 000 actions nouvelles à émettre.
Après l’opération, les capitaux propres augmenteront de 1 000 000 €, décomposés comme suit :
– Augmentation du capital : 50 000 x 10 € = 500 000 €
– Prime d’émission : 50 000 x (20 – 10) = 500 000 €
Et la valeur de l’action après l’augmentation de capital sera égale à : (2 500 000 + 1 000 000) / (100 000 + 50 000) = 23,33 €
Après l’opération, la valeur de l’action ancienne baissera de 1,67 €.
Il ressort clairement de cet exemple que si le prix d’émission des actions nouvelles est inférieur à la valeur intrinsèque des actions anciennes avant l’augmentation de capital, la valeur de l’action après l’augmentation de capital diminue.
C’est notamment pour éviter que les anciens actionnaires ne soient lésés par la baisse de la valeur de l’action que la loi a posé le principe du droit préférentiel de souscription à l’augmentation de capital attribué aux anciens actionnaires dans la proportion du nombre de titres détenus.
En effet, la vente du droit détaché de l’action ancienne permet à l’actionnaire ancien qui n’a pas souhaité souscrire de récupérer la perte de valeur de l’action après l’augmentation de capital.Cette vente suppose de connaître la valeur théorique du droit préférentiel de souscription.
Cette valeur est déterminée de manière à être équitable à la fois pour le vendeur et l’acheteur des droits.
Reprenons l’hypothèse d’un prix d’émission des actions nouvelles égal à 20 €.
A chaque action ancienne est attaché un droit préférentiel de souscription, soit :
100 000 DPS pour 50 000 actions nouvelles à souscrire
Ou 2 DPS pour 1 action nouvelle à souscrire
Pour le vendeur (par exemple, l’ancien actionnaire qui ne souhaite pas souscrire à de nouvelles actions), la vente du droit détaché de l’action ancienne doit permettre de récupérer la perte de valeur de cette action :
1 DPS = 25 – 23,33 = 1,67 €
Pour l’acheteur (par exemple, l’ancien actionnaire à qui il manque des droits ou le nouvel actionnaire, lorsque l’augmentation de capital n’est pas uniquement réservée aux anciens actionnaires mais ouverte à tout public ou à de nouveaux investisseurs nommément désignés), la somme déboursée pour l’achat des droits ainsi que la souscription des actions doit être équivalente à la valeur des actions obtenues :
2 DPS + 20 = 23,33 d’où DPS = 1,67 €
On peut constater que la valeur du droit varie en sens inverse du prix d’émission : plus celle-ci est élevée et proche de la juste valeur de l’action avant l’opération, plus faible sera la perte de valeur de cette dernière après l’opération et, en conséquence, plus faible sera la valeur du droit.
En fait, si la prime d’émission est exactement calculée, le droit de souscription n’a plus aucune valeur.
Si par contre l’émission est effectuée sans prime d’émission, alors même que la valeur de l’action avant l’opération est supérieure à sa valeur nominale, le droit de souscription aura sa pleine valeur.
4 Formule de calcul du droit préférentiel de souscription
Supposons qu’avant l’augmentation de capital, celui-ci est composé de n actions dont la valeur ou le cours est de p.
La société émet n’ actions nouvelles a un prix de p’.
Pour attirer les investisseurs, il faut généralement que l’opération soit attrayante et donc que le prix d’émission de l’action p’ soit inférieur à sa valeur réelle ou à sa valeur boursière p avant l’augmentation de capital.
Pour souscrire à une action nouvelle, il faut posséder proportionnellement d = n/n’ actions anciennes, ce qui revient à faire le rapport entre le nombre d’actions anciennes et le nombre d’actions nouvelles ; d est le nombre d’actions anciennes nécessaire pour obtenir une action nouvelle.
Les capitaux propres ou la capitalisation boursière (cours de l’action en bourse multiplié par le nombre d’actions émises) de la société est respectivement de :
– np avant l’augmentation de capital
– np + n’p’ après l’augmentation de capital
Puisqu’il y a maintenant n+n’ actions, la valeur théorique d’une action devient :
(np + n’p’)/(n+n’)
L’augmentation de capital provoque une baisse de la valeur des actions ou une baisse du cours puisque le montant des capitaux propres ou la capitalisation boursière n’augmente pas proportionnellement à la valeur des actions anciennes.
Cette baisse de valeur ou diminution du cours provenant de l’augmentation du capital est compensée, afin de ne pas léser les actionnaires anciens par le droit préférentiel de souscription attaché aux actions anciennes, dont la valeur est :
DPS = p – (np + n’p’)/(n+n’) = (p – p’) x (n’/(n+n’)) = (p – p’)/(1+d)
En définitive, la formule de calcul de la valeur théorique du droit de souscription à titre irréductible (qui est, en principe, égale à la perte de valeur que subit chaque action ancienne par suite de l’émission des actions nouvelles), est la suivante :
DPS = (valeur ou cours de l’action avant l’augmentation de capital – prix d’émission de l’action émise) / (1 + nombre d’actions avant l’augmentation de capital/nombre d’actions émises)
Si nous reprenons notre exemple précédent, la valeur théorique du DPS s’établit bien, selon cette formule à :
DPS = (25 – 20)/(1 + 100 000/50 000) = 1,67 €
N.B : si le droit préférentiel de souscription est coté, le cours sera généralement différent de la valeur théorique. La valeur sera fonction de la loi de l’offre et de la demande.
Nous espérons que cet article vous aura donné entière satisfaction.
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