La convocation du dirigeant de l’entreprise en difficulté par le président du tribunal

La convocation du dirigeant de l’entreprise en difficulté par le président du tribunal

Dans le cadre de la mission de prévention-détection des difficultés des entreprises qui lui est confiée de par la loi, le président du tribunal de commerce a le pouvoir de convoquer et d’alerter le dirigeant de l’entreprise qui connait des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, afin de l’aider à prendre conscience de ses difficultés et examiner avec lui les mesures propres à redresser la situation.

Nous présentons ci-après :

– les textes applicables et l’évolution de la législation,

– la procédure de convocation et d’alerte du président du tribunal.

1   Textes actuels et évolution de la législation

1.1  Textes actuels

Les dispositions légales et réglementaires en rapport avec le droit d’alerte institué par le législateur au profit du président du tribunal sont prévues par les articles L. 611-2 et L. 611-2-1 et les articles R. 611-10 à R. 611-17 du Code de commerce.

 1.1.1 Partie législative du Code de commerce

Article L 611-2I.- Lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure qu’une société commerciale, un groupement d’intérêt économique, ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du tribunal de commerce pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation.A l’issue de cet entretien ou si les dirigeants ne se sont pas rendus à sa convocation, le président du tribunal peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication, par les commissaires aux comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur.

II.- Lorsque les dirigeants d’une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte.Si cette injonction n’est pas suivie d’effet dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, le président du tribunal peut également faire application à leur égard des dispositions du deuxième alinéa du I.

Le II est applicable, dans les mêmes conditions, à tout entrepreneur individuel à responsabilité limitée qui ne procède pas au dépôt des comptes annuels ou documents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 526-14, lorsque l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté est commerciale ou artisanale.

Article L 611-2-1

Les dispositions du I de l’article L. 611-2 sont applicables, dans les mêmes conditions, aux personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. Pour l’application du présent article, le tribunal de grande instance est compétent et son président exerce les mêmes pouvoirs que ceux conférés au président du tribunal de commerce.

Par exception, lorsque la personne physique ou morale concernée exerce la profession d’avocat, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire ou d’officier public ou ministériel, le président du tribunal de grande instance ne procède qu’à l’information de l’ordre professionnel ou de l’autorité compétente dont elle relève, sur les difficultés portées à sa connaissance relativement à la situation économique, sociale, financière et patrimoniale du professionnel.

1.1.2 Partie réglementaire du Code de commerce

 Article R 611-10

Dans le cas prévu au premier alinéa de l’article L. 611-2 ou lorsqu’il est fait application de l’article L. 611-2-1, le président du tribunal fait convoquer par le greffier le représentant légal de la personne morale débitrice ou le débiteur personne physique par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et par lettre simple, reproduisant les termes du I de l’article L. 611-2 et, le cas échéant, ceux de l’article L. 611-2-1, ainsi que des articles R. 611-11 et R. 611-12. Le cas échéant, la lettre précise la dénomination de l’activité professionnelle exercée par l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée. La convocation est envoyée un mois au moins à l’avance. Il est joint une note par laquelle le président du tribunal expose les faits qui ont motivé son initiative.

Article R 611-10-1

En application du second alinéa de l’article L. 611-2-1, le président du tribunal informe l’ordre ou l’autorité compétente dont relève l’intéressé par une note exposant les difficultés de nature à compromettre la continuité de l’activité du professionnel qui ont été portées à sa connaissance. Cette note est transmise par le greffier au représentant légal de l’un ou l’autre de ces organismes par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le représentant de l’ordre ou de l’autorité compétente est invité à faire connaître au président du tribunal, dans la même forme, les suites données à cette information dans le délai d’un mois.

Article R 611-11

L’entretien prévu au premier alinéa de l’article L. 611-2, qui se tient hors la présence du greffier, donne lieu à l’établissement par le président du tribunal d’un procès-verbal qui ne mentionne que la date et le lieu de l’entretien ainsi que l’identité des personnes présentes. Ce procès-verbal est signé par ces dernières et le président du tribunal.

Si la personne convoquée ne se rend pas à la convocation, un procès-verbal de carence est dressé le jour même par le greffier aux fins d’application des dispositions du second alinéa du I de l’article L. 611-2. A ce procès-verbal est joint l’avis de réception de la convocation. Une copie de ce procès-verbal est notifiée sans délai par le greffier à la personne convoquée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reproduisant les termes du second alinéa du I de l’article L. 611-2.

 Ce procès-verbal mentionne, s’il y a lieu, la dénomination utilisée par l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée pour l’exercice de l’activité professionnelle concernée. Il est déposé au greffe.

Article R 611-12

La demande de renseignements prévue au deuxième alinéa de l’article L. 611-2 est adressée dans le délai d’un mois à compter de la date de l’entretien ou du procès-verbal de carence. Elle est accompagnée de la copie du procès-verbal d’entretien ou de carence établi en application de l’article R. 611-11.

Si la demande a été présentée dans les formes et délai prescrits au premier alinéa, les personnes et organismes interrogés communiquent les renseignements réclamés dans le délai d’un mois. Dans le cas contraire, ils ne sont pas tenus d’y répondre.

Article R 611-13

Pour l’application du II de l’article L. 611-2, le président du tribunal rend une ordonnance faisant injonction au représentant légal de la personne morale de déposer les comptes annuels ou à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée de déposer les documents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 526-14 dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la signification de l’ordonnance, sous peine d’astreinte.

Cette ordonnance fixe le taux de l’astreinte et mentionne, en outre, les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera examinée.

Elle n’est pas susceptible de recours.

Article R 611-14

 Le greffier notifie l’ordonnance au représentant légal de la personne morale. La lettre de notification reproduit les dispositions du second alinéa du II de l’article L. 611-2 ainsi que l’article R. 611-15 et le premier alinéa de l’article R. 611-16.

Si la lettre est retournée avec une mention précisant qu’elle n’a pas été réclamée par son destinataire, le greffier fait signifier l’ordonnance. La signification reproduit les dispositions mentionnées à l’alinéa premier.

Si la lettre est retournée avec une mention précisant que le destinataire ne se trouve plus à l’adresse indiquée, l’affaire est retirée du rôle par le président du tribunal qui en informe le ministère public. Le greffier porte la mention de la cessation d’activité sur le registre du commerce et des sociétés.

L’ordonnance portant injonction de faire est conservée à titre de minute au greffe.

Les dispositions du présent article sont applicables à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée à l’exception de la seconde phrase du troisième alinéa.

Article R 611-15

Lorsque l’injonction de faire a été exécutée dans les délais impartis, l’affaire est retirée du rôle par le président du tribunal.

Dans le cas contraire, le greffier constate le non-dépôt des comptes par procès-verbal.

Article R 611-16

En cas d’inexécution de l’injonction de faire qu’il a délivrée, le président du tribunal statue sur la liquidation de l’astreinte.

Il statue en dernier ressort lorsque le montant de l’astreinte n’excède pas le taux de compétence en dernier ressort du tribunal de commerce.

Le montant de la condamnation prononcée est versé au Trésor public et recouvré comme en matière de créances étrangères à l’impôt.

La décision est communiquée au Trésor public et signifiée à la diligence du greffier au représentant légal de la personne morale ou à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée. L’appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure sans représentation obligatoire.

Article R 611-17

La demande de renseignements prévue au dernier alinéa de l’article L. 611-2 est adressée à compter de l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article R. 611-13. Elle est écrite et accompagnée de la copie de l’ordonnance mentionnée à l’article R. 611-13 ainsi que du procès-verbal mentionné à l’article R. 611-15.

Si la demande a été présentée dans les formes et délai prescrits au premier alinéa, les personnes et organismes interrogés communiquent les renseignements réclamés dans le délai d’un mois. Dans le cas contraire, ils ne sont pas tenus d’y répondre.

1.2  Evolution de la législation

A l’origine, le droit d’alerte institué par le législateur au profit du président du tribunal de commerce était prévu à l’ancien article 34 de la loi n°84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises.

Cet article prévoyait, uniquement, la convocation par le président du tribunal de commerce, des dirigeants des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique de faible et moyenne importance (c’est-à-dire de moins de 100 salariés et ayant un chiffre d’affaires inférieur à 40 millions de francs) et, dès lors qu’une perte nette comptable supérieure à un tiers du montant des capitaux propres était constaté en fin d’exercice dans les comptes de ces entités. Dans l’esprit du législateur de l’époque, le texte devait ne concerner que les seules petites et moyennes entreprises, d’autres mécanismes de prévention étant plus particulièrement destinés aux grandes entreprises.

Un décret n°87-169 du 13 mars 1987 est venu ensuite augmenter les seuils de 100 salariés et 40 millions de francs précités, les faisant passer à 300 salariés et 120 millions de francs.

En 1994, une réforme importante a supprimé tous les anciens critères énonces ci-dessus et fait bénéficier la convocation par le président du tribunal de commerce d’un champ d’application beaucoup plus vaste tant en ce qui concerne les entreprises visées qu’à propos du critère permettant cette convocation.

La formulation retenue en 1994 devient en effet moins coercitive et, corrélativement, le président de la juridiction bénéficie de moyens d’investigations particuliers (ancien article 34 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, modifié par loi n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises) :

« Art. 34 (ancien). – Lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure qu’une société commerciale, un groupement d’intérêt économique, ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du tribunal de commerce pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation.

A l’issue de cet entretien, le président du tribunal peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication, par les commissaires aux comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur. »

Parallèlement, l’article 37 nouveau de la loi du 10 juin 1994 a conféré au président du tribunal de grande instance, le même droit d’alerte que celui reconnu au président du tribunal de commerce ce, vis-à-vis des personnes morales de droit privé non commerçantes (sur saisine cependant du représentant de la personne morale de droit privé).

Depuis donc la réforme de 1994, les entités concernées sont les entreprises commerciales, les groupements d’intérêt économique, les entreprises individuelles commerciales ou artisanales et les personnes de droit privé non commerçantes. Les entreprises agricoles ne se trouvent alors pas encore visées, de même que les professionnels libéraux.

Le critère de déclenchement de la convocation, étant celui de la rupture possible de la continuité d’exploitation, est également très large. Si le président ne peut fonder sa convocation sur une simple information de nature informelle (car il faut qu’il y ait à l’origine un acte, un document ou une procédure), cette énumération ne doit pas être interprétée de manière restrictive, le souci du législateur étant de permettre le plus largement possible la convocation.

Par ailleurs, le président du tribunal voit son rôle d’investigation accru. A l’issu de son entretien avec le dirigeant, le président du tribunal pourra demander soit au dirigeant soit, à défaut, aux administrations, aux commissaires aux comptes, aux représentants du personnel, à la Banque de France, la communication de tout renseignement de nature à lui donner une information approfondie sur la situation du débiteur.

 En 2000, les articles 34 et 37 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises ont été codifiés dans la partie législative du Code de commerce par l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000, respectivement aux articles L. 611-2 et L. 611-5. Cette codification s’est opérée à droit constant.

 En 2005, l’article L.611-2 est ainsi modifié par l’article 4 de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises :

 –  au début du premier alinéa, il est inséré un I.

–  dans le second alinéa du I, après les mots : «A l’issue de cet entretien», sont insérés les mots : «ou si les dirigeants ne se sont pas rendus à sa convocation»

–  il est ajouté un II ainsi rédigé :

 «II. — Lorsque les dirigeants d’une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte.

«Si cette injonction n’est pas suivie d’effet dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, le président du tribunal peut également faire application à leur égard des dispositions du deuxième alinéa du I.»

La loi de 2005, partant du constat que les dirigeants ne se présentent généralement pas aux convocations du président du tribunal, prévoit désormais que ce dernier pourra, même en cas de silence du dirigeant, se faire communiquer les renseignements financiers, économiques ou comptables qu’il souhaite obtenir.

Concernant l’enquête sur la situation économique et financière que peut diligenter le président du tribunal à l’issue de l’entretien (ou si le dirigeant ne s’est pas rendu à la convocation qui leur a été faite), l’article 5 du décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005 (actuel article R 611-12 du Code de commerce) pris en application de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises prévoit que les intéressés (administrations, commissaires aux comptes, aux représentants du personnel, Banque de France) auxquels le président du tribunal peut formuler des demandes d’informations ne puissent opposer le secret professionnel (à condition toutefois que la demande de renseignements soit adressée dans le délai d’un mois à compter de la date de l’entretien ou du procès-verbal de carence).

La loi de 2005 renforce également l’obligation faite au dirigeant de procéder au dépôt des comptes annuels ce, étant considéré que les comptes sociaux sont, en effet, un élément indispensable à l’analyse de la situation économique d’une société.

Par contre, la loi de 2005, en supprimant l’ancien article L 611-5 du Code de commerce, a fait disparaître, semble-t-il par oubli, le pouvoir d’alerte du président du tribunal de grande instance concernant les autres personnes morales de droit privé.

En 2010, l’ordonnance n°2010-1512 du 9 décembre 2010 rend applicable le I de l’article 611-2 à l’EIRL :

(Ord. no 2010-1512 du 9 déc. 2010, art. 2-2°) «Le II est applicable, dans les mêmes conditions, à tout entrepreneur individuel à responsabilité limitée qui ne procède pas au dépôt des comptes annuels ou documents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 526-14, lorsque l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté est commerciale ou artisanale.»

L’application du I de l’article 611-2 à l’EIRL ne supposait quant à elle aucune adaptation du texte par l’ordonnance du 9 décembre 2010 puisque les dispositions concernent tous les entrepreneurs individuels.

Enfin, l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, en insérant l’article L. 611-2-1 dans le Code de commerce, vient rectifier le fait que l’alerte du président du tribunal ne soit pas applicable aux agriculteurs, aux professionnels indépendants (notamment les professionnels libéraux) et, depuis l’oubli de la loi de 2005, aux personnes morales de droit privé non commerçantes. Depuis cette ordonnance, le président du tribunal de grande instance se voit conférer les mêmes prérogatives que le président du tribunal de commerce dans le domaine de compétence qui est celui de la juridiction civile, à savoir celui des personnes morales de droit privé non commerçantes et des personnes physiques exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante, y compris une profession libérale réglementée.

Toutefois, afin d’éviter de heurter le principe d’indépendance de certaines de ces professions, il est prévu que, lorsque la personne concernée est avocat, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, ou officier public ou ministériel, le président du tribunal se contente de communiquer à l’ordre professionnel ou à l’autorité compétente dont elle relève, les informations dont il a connaissance relativement à la situation économique, sociale, financière ou patrimoniale du débiteur.

Pour exercer le droit d’alerte, le président de la juridiction territorialement compétente est celui dans le ressort duquel le débiteur, personne morale, a son siège ou le débiteur, personne physique, a déclaré l’adresse de son entreprise ou de son activité. A défaut de siège en territoire français, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur a le centre principal de ses intérêts en France. En cas de changement de siège de la personne morale dans les six mois ayant précédé la convocation, le tribunal dans le ressort duquel se trouvait le siège initial demeure seul compétent. Ce délai court à compter de l’inscription modificative au registre du commerce et des sociétés du siège initial (articles R 600-1 et R 600-2 du Code de commerce).

2   Procédure

2.1  Prévention et détection des difficultés

La prévention n’est efficace que si les difficultés dont souffre une entreprise sont traitées en amont. Aussi, le président du tribunal doit mettre en place un système de détection adapté lui permettant de déclencher l’alerte lorsque l’entreprise connait des difficultés de nature à compromettre la continuité de son exploitation.

Il est averti de cette situation soit par les dirigeants de l’entreprise, soit par les commissaires aux comptes qui ont vainement déclenché une procédure d’alerte, soit par la rumeur publique. Il peut également être informé par le greffier du tribunal de commerce qui lui signale des inscriptions de nantissements et de privilèges, les protêts, les publicités effectuées en cas de perte de l’actif social, le défaut de dépôt des comptes dans les délais, les demandes de prorogation de la date d’assemblée générale pour adopter les comptes, et plus généralement, tous les actes, documents ou procédures révélant une dégradation préoccupante de la situation de l’entreprise.

En pratique, c’est au président d’organiser lui-même son réseau d’information, de telle sorte que l’efficacité de l’alerte est aujourd’hui très différente selon les juridictions.

2.2  Convocation et entretien

Une convocation est adressée au dirigeant par lettre recommandée avec accusé de réception. A la convocation est jointe une note par laquelle le président expose les faits qui ont motivé son initiative. La convocation est envoyée un mois au moins à l’avance afin que le dirigeant puisse utilement se préparer à l’entretien.

Le président du tribunal est juge de l’opportunité de convoquer, ou non, les dirigeants d’une entreprise en difficulté. Il dispose en ce sens d’un pouvoir discrétionnaire et s’il ne les convoque pas, aucun créancier n’est en droit de lui reprocher cette abstention, même en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure collective.

Le président du tribunal ne dispose d’aucun pouvoir de contraindre le dirigeant à se rendre à l’entretien. En effet, la mission du président ne se situe pas dans le cadre traditionnel du contentieux mais dans le cadre d’une fonction d’assistance. Il n’agit pas en qualité d’organe juridictionnel mais en tant que professionnel réputé avisé, susceptible d’aider l’entreprise à un moment difficile ou des décisions s’imposent.

A noter que si les dirigeants d’une entreprise n’encourent pas de sanction à ne pas se rendre à la convocation, en cas de non-présentation, l’image qu’aura le tribunal de ces derniers sera ternie et le tribunal pourrait garder en mémoire, dans l’hypothèse d’une procédure collective ultérieure et à l’heure de la recherche des responsabilités, le fait qu’ils ne se soient pas présentés.

Le dirigeant peut se rendre à la convocation accompagné de son avocat ou de son expert-comptable.

L’expert-comptable a notamment un rôle important à jouer au niveau de cet entretien. Il pourra fournir des analyses et éléments chiffrés pour commentaires auprès du magistrat :

– analyse de l’origine et des causes des difficultés,

– situation récente de l’actif et du passif de la société en difficulté,

– prévisions d’exploitation et de trésorerie, par exemple sur les 6 prochains mois ou plus.

Lors de l’entretien, le rôle du président de la juridiction doit demeurer le plus possible informel. Le président, après avoir rappelé les motifs de la convocation, écoute la réponse du dirigeant qui admet ou conteste et qui éventuellement expose les mesures qu’il compte prendre. Le magistrat ne peut ni conseiller ni s’immiscer dans la gestion ou dicter les mesures à prendre. Il peut poser des questions pour comprendre la situation et pour vérifier la faisabilité et l’efficacité des mesures envisagées.

 2.3  Issues de l’entretien et décision du tribunal

A l’issue de l’entretien, le président du tribunal peut prendre la décision de :

– ne pas donner suite parce que la continuité de l’exploitation n’est pas compromise,

– fixer une date pour un prochain entretien afin que le dirigeant apporte des éléments complémentaires ou ait le temps de réfléchir sur les mesures envisagées pour redresser la situation,

– suspendre l’examen de la situation pour user de la faculté donnée par la loi d’interroger différentes personnes et organismes afin d’obtenir une exacte information sur la situation économique et financière de ‘entreprise,

–  faire diligenter une enquête préalable par le tribunal, conformément à l’article commettre L 621- 1 du Code de commerce, et commettre un juge pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise (cette enquête a notamment un intérêt lorsqu’il s’agit de savoir si l’état de cessation des paiements est établi),

– laisser au dirigeant le temps nécessaire pour le saisir d’une demande de nomination d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur, ou en vue de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde,

– rappeler au dirigeant, qui reconnait être en état de cessation des paiement avéré, son obligation de saisir le tribunal en vue de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et les sanctions qu’il encourt s’il ne la fait pas.

Notons qu’à l’issue de l’entretien, le président ne peut plus déclencher la saisine d’office du tribunal afin d’ouvrir une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

En effet, plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ont récemment prononcé l’inconstitutionnalité de la saisine d’office afin d’ouvrir une procédure de redressement judiciaire (◆ Cons. const., déc., 7 déc. 2012, no 2012-286 QPC), celle de la liquidation judiciaire (◆ Cons. const., déc., 7 mars 2014, no 2014-368 QPC) et enfin, celle du prononcé de la résolution du plan et l’ouverture de la liquidation judiciaire (◆ Cons. const., déc., 7 mars 2014, no 2014-372 QPC).

Nous espérons que cet article vous aura donné entière satisfaction.

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