Cette étude présente uniquement les conditions d’application de l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit prévu par l’article 787 B du CGI en cas de transmission de parts et actions de sociétés. Ce dispositif est connu sous le nom de « Pacte Dutreil ».
Les obligations déclaratives proprement dites ne seront quant à elles pas abordées.
A noter enfin que, selon l’article 787 C du CGI, le dispositif a également vocation à s’appliquer dans le cas de la transmission d’une entreprise individuelle, hypothèse qui ne sera pas ici évoquée.
1 Titres de sociétés pouvant faire l’objet d’un pacte
1.1 Sociétés concernées et nature de l’activité
les parts ou actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou dans le cadre d’une donation entre vifs peuvent, sous certaines conditions, être exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur et sans limitation de montant.
Les droits sont ainsi calculés sur 25 % de la valeur des titres transmis.
Par ailleurs, le bénéfice de l’exonération partielle est cumulable sous certaines conditions avec la réduction de droits prévue à l’article 790 du CGI (réduction de 50 % sur les droits liquidés lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-dix ans à la date de la donation et qu’il consent une donation en pleine propriété de parts ou actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale réunissant les conditions énumérées à l’article 787 B du CGI).
Il n’est pas exigé, pour l’application du dispositif d’exonération partielle prévu à l’article 787 B du CGI, que l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale soit exercée à titre exclusif. L’exonération s’applique également aux parts ou actions de sociétés ayant une activité mixte dans la mesure ou l’activité civile n’est pas prépondérante.
Le caractère prépondérant de l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale s’apprécie au regard de deux critères cumulatifs que sont le chiffre d’affaires procuré par cette activité (au moins 50 % du montant du chiffre d’affaires total) et le montant de l’actif brut immobilisé (au moins 50 % du montant total de l’actif brut).
Le régime d’imposition de la société est sans incidence pour l’application de la mesure. L’exonération s’applique que la société soit soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) ou à l’impôt sur le revenu (IR).
Les sociétés étrangères peuvent également bénéficier du dispositif, étant précisé que les conditions d’application sont dans ce cas identiques à celles exigées pour les transmissions de titres de sociétés françaises.
1.2 Cas particulier des sociétés holdings
L’activité financière des sociétés holdings les exclut normalement du champ d’application de l’exonération partielle. Toutefois, les dispositions de l’article 787 B du CGI sont applicables aux transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés holdings animatrices de leur groupe de sociétés, toutes les autres conditions devant être par ailleurs remplies.
Ainsi, les sociétés holding admises au bénéfice de l’exonération partielle sont celles qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations :
– elles participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales ;
– et rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.
En revanche, les parts ou actions de sociétés holding passives, simples gestionnaires d’un portefeuille mobilier, ne bénéficient pas de l’exonération partielle.
2 Conditions d’application de l’exonération partielle
2.1 Conditions devant être respectées au jour de la transmission
2.1.1 Conclusion d’un engagement collectif de conservation
Les conditions générales de l’engagement collectif sont exposées ci-après.
2.1.1.1 L’engagement collectif doit être conclu par au moins deux associés et avoir une durée minimale de deux ans
Les parts ou les actions concernées doivent, avant le décès ou la donation, faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés.
Compte tenu de la nature collective de l’engagement, celui-ci doit être souscrit, sans exigence d’un seuil individuel minimal de détention, par le défunt ou le donateur et au moins un autre associé de la société, que ce dernier soit une personne physique ou une personne morale (à condition, dans ce dernier cas, que celle-ci détienne directement la participation dans la société dont les titres font l’objet de l’engagement de conservation).
L’engagement de conservation est nécessairement constaté par un acte (acte authentique ou sous seing privé). Lorsque l’acte est sous seing privé, il doit être enregistré pour être opposable à l’administration.
Le point de départ du délai minimal de deux ans s’apprécie à compter de la date d’enregistrement de l’acte qui constate l’engagement collectif de conservation, s’agissant d’un acte sous seing privé, ou de la date de l’acte, s’agissant d’un acte authentique. Cette durée s’apprécie de date à date.
Une fois que l’acte qui le constate a acquis date certaine, l’engagement collectif de conservation des titres est en principe figé. Toutefois, de nouveaux associés peuvent adhérer à un pacte déjà conclu à condition que l’engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans.
Les signataires de l’engagement collectif et leurs ayants cause à titre gratuit peuvent effectuer entre eux des transmissions de titres soumis à l’engagement. Les titres acquis ou reçus par l’un des signataires de l’engagement auprès d’un autre signataire bénéficient de l’exonération partielle au jour de la transmission à titre gratuit.
A noter que si l’’engagement collectif doit en principe exister au jour de la transmission. Deux assouplissements existent :
- les parts ou actions transmises par décès n’ont pas fait l’objet d’un engagement collectif de conservation avant le décès, un ou des héritiers ou légataires peuvent entre eux ou avec d’autres associés conclure dans les six mois qui suivent la transmission par décès ledit engagement collectif (on parle alors d’engagement post mortem) ;
- l’engagement collectif de conservation est réputé acquis (et donc la durée minimale de conservation de deux n’a pas à être respectée) lorsque le donateur (ou le défunt), seul ou avec son conjoint ou partenaire de Pacs, détiennent depuis au moins deux ans 34 % des titres (20 % s’ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé) et que l’un d’eux exerce dans la société son activité principale depuis plus de deux ans ou, pour les sociétés soumises à l’IS, une fonction de direction dans la société dont les titres sont transmis.
2.1.1.2 La participation des signataires de l’engagement collectif doit totaliser au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote si la société est cotée ou 34 % des parts ou actions transmises dans le cas contraire
Lorsque les titres de la société sont admis à la négociation sur un marché réglementé, le seuil minimum de 20 % concerne les droits de vote et les droits financiers soumis à l’engagement collectif de conservation.
La même règle s’applique pour les titres de sociétés admis aux négociations sur un marché réglementé étranger.
En revanche, pour les sociétés non cotées, il n’est pas exigé que le seuil de 34 % soit atteint à la fois pour les droits de vote et les droits financiers.
Les seuils de 20 % et 34 % constituent un minimum légal requis pour la conclusion d’un engagement collectif. Ces seuils minima de 20 % et 34 % doivent être respectés tout au long de la durée de l’engagement collectif de conservation.
2.1.2 Exercice d’une fonction de direction au sein de la société
Le bénéfice de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit est subordonné à l’exercice continu et effectif pendant la durée de l’engagement collectif de conservation :
- d’une activité professionnelle principale, si la société est une société de personnes visée à l’article 8 du CGI et à l’article 8 ter du CGI ;
- ou d’une fonction de direction énumérée au 1° de l’article 885 O bis du CGI, si cette société est soumise à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.
Les fonctions de direction visées sont les suivantes :
- Gérants majoritaires minoritaires ou égalitaires de sociétés à responsabilité limitée ;
- Gérants des sociétés en commandite par actions ;
- Associés des sociétés de personnes soumises à l’impôt sur les sociétés ;
- Dirigeants de sociétés anonymes (président du conseil d’administration, membres du directoire, président du conseil de surveillance) ;
- Dirigeants de sociétés par actions simplifiées (fonctions équivalentes à celles exercées dans le cadre d’une société anonyme).
La direction de la société doit être effectivement exercée par l’une des personnes ayant signé l’engagement collectif de conservation (associés, héritiers ou légataires dans le cas d’un engagement post mortem).
Il n’est pas exigé que la direction de la société soit effectivement exercée par la même personne pendant la durée de l’engagement collectif de conservation.
Il est admis qu’en cas de changement de direction provoquant une vacance qui n’excède pas trois mois, la condition de continuité de l’exercice de la fonction de direction soit considérée comme respectée.
Il est précisé que l’article 787 B du CGI n’impose pas de condition tenant à la rémunération perçue par l’associé signataire dirigeant.
Enfin, la fonction de direction dans la société dont les titres font l’objet d’un engagement collectif de conservation peut être exercée par une personne morale.
2.1.3 Cas des donations démembrées
Le bénéfice du régime d’exonération partielle est étendu aux donations démembrées.
Cela étant, l’application de l’exonération partielle aux donations consenties avec réserve d’usufruit est subordonnée à la condition que les droits de vote de l’usufruitier soient limités dans les statuts aux seules décisions concernant l’affectation des bénéfices.
Cette limitation des droits de l’usufruitier peut comporter des conséquences pour la valorisation du titre transmis. Cependant, dans un souci de simplification, il est admis que l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit puisse s’appliquer à la valeur de la nue-propriété des titres déterminée par application du barème prévu à l’article 669 du CGI.
Néanmoins cette limitation n’est pas applicable lorsque le donateur transmet l’usufruit de ses titres et se réserve la nue-propriété. Il en est de même lorsque le donateur transmet l’usufruit de ses titres à un donataire et la nue-propriété à un autre.
2.1.4 Forme de la transmission
Le régime prévu à l’article 787 B du CGI s’applique aux transmissions à titre gratuit, quelle que soit la nature de l’acte (acte authentique ou acte sous seing privé) et même en l’absence d’acte (don manuel), à l’exception des donations consenties avec réserve d’usufruit qui doivent, en raison de leur nature, nécessairement faire l’objet d’un écrit.
N.B : la transmission des titres doit être réalisée avant le terme de l’engagement collectif de conservation.
2.2 Conditions devant être respectées après la transmission
2.2.1 Poursuite de l’engagement collectif par les bénéficiaires de la transmission
Les transmissions peuvent bien entendu être réalisées au profit d’un bénéficiaire qui n’est pas signataire de l’engagement collectif.
A compter de la transmission, les héritiers, donataires ou légataires doivent poursuivre l’engagement collectif jusqu’à son terme.
Pendant cette période, les héritiers, donataires ou légataires qui souhaitent bénéficier de l’exonération partielle ne peuvent effectuer de cession ou de donation au profit d’autres signataires de l’engagement collectif. En effet, la seconde condition relative à l’engagement individuel de conservation des titres transmis (cf. ci-après, paragraphe 2.2.2.) ne pourrait alors plus être respectée.
2.2.2 Engagement individuel des héritiers, donataires ou légataires de conserver les titres transmis
Pour bénéficier de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit sur la valeur des titres transmis, l’héritier, le donataire ou le légataire doit s’engager, dans la déclaration de succession (au pied de la déclaration ou dans un acte faisant l’objet d’un enregistrement séparé) ou dans l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, à conserver les parts ou les actions transmises pendant une durée de quatre ans à compter de la fin de l’engagement collectif.
Exemple : Soit trois associés d’une société qui, par acte enregistré le 10 janvier 2014, ont pris l’engagement collectif de conserver pendant deux ans (soit jusqu’au 10 janvier 2016) 34 % de cette société. En cas de décès de l’un des associés le 15 juin 2014, ses héritiers bénéficient de l’exonération partielle s’ils poursuivent l’engagement pris par le défunt jusqu’au 10 janvier 2016 et prennent l’engagement individuel de conserver les titres qui leur sont transmis jusqu’au 10 janvier 2020.
Dans l’hypothèse d’une transmission par don manuel, les donataires doivent présenter au service des impôts compétent la déclaration de don manuel n° 2735 (CERFA n° 11278), disponible sur le site www.impots.gouv.fr à la rubrique « Recherche de formulaires », à laquelle seront annexés l’engagement collectif de conservation (CGI, art. 787 B, a et b), l’engagement individuel pris par chaque donataire (CGI, art. 787 B, c) et l’attestation de la société certifiant que les conditions prévues aux a et b de l’article 787 B du CGI ont été remplies jusqu’au jour de la transmission (CGI, art. 787 B, e).
N.B : la société, dont les parts ou actions sont transmises, doit conserver une activité éligible au bénéfice de l’exonération partielle pendant toute la durée de l’engagement collectif et de l’engagement individuel.
2.2.2.1 L’engagement des héritiers, donataires ou légataires est individuel
A la différence de l’engagement collectif de conservation conclu par le défunt ou le donateur, l’engagement des bénéficiaires de la transmission à titre gratuit de conserver les titres reçus est individuel.
En conséquence, le non-respect de cet engagement par l’un d’entre eux n’est pas de nature à remettre en cause l’exonération partielle dont ont bénéficié, le cas échéant, les autres héritiers, donataires ou légataires.
Par ailleurs, il est précisé que, s’agissant des donations consenties avec réserve d’usufruit, seul le nu-propriétaire est tenu de souscrire l’engagement individuel.
Dans l’hypothèse d’une indivision, il est précisé que l’engagement individuel de conservation doit être pris par chacun des co-indivisaires en sa qualité d’associé. En présence d’un gérant de l’indivision en application de l’article 815-3 du code civil, ce dernier aura la capacité de signer l’engagement pour le compte de tous les co-indivisaires, s’agissant d’un acte d’administration. Dans cette situation, le partage ultérieur des parts ou actions, avec ou sans soulte, n’emporte pas déchéance du régime prévu par l’article 787 B du CGI mais entraîne seulement un report de l’engagement individuel de conservation sur le bénéficiaire effectif, c’est-à-dire l’indivisaire attributaire des titres de l’entreprise.
2.2.2.2 L’engagement individuel de conservation porte sur les titres transmis au jour du décès ou de la donation
Cette condition s’oppose à toute donation ou cession à titre onéreux des parts ou actions reçues, alors même que le bénéficiaire ou l’acquéreur serait membre de l’engagement collectif de conservation.
En conséquence, chacun des successibles ou bénéficiaires s’engage à conserver directement et indirectement la participation reçue au jour de la transmission à titre gratuit et pour laquelle l’exonération partielle de droits a été appliquée.
Toutefois, sous réserve que le ou les donataires de la deuxième mutation à titre gratuit soient le ou les descendants du donateur bénéficiaire de la première mutation à titre gratuit et qu’ils poursuivent l’engagement individuel jusqu’à son terme, les héritiers, donataires ou légataires de la première mutation à titre gratuit peuvent effectuer une donation au profit d’autres signataires de l’engagement collectif de conservation ou au profit de personnes n’ayant pas signé ledit engagement. Cette transmission ne remet pas en cause l’exonération partielle dont ont bénéficié les héritiers, donataires ou légataires pour la première mutation à titre gratuit.
A noter que l’engagement individuel peut ne porter que sur une partie des titres couverts par l’engagement collectif. Dans un tel cas, l’exonération partielle ne s’applique qu’à cette partie.
2.2.2.3 L’engagement individuel de conservation des titres pris par chacun des héritiers, donataires ou légataires commence à courir à compter de la fin de l’engagement collectif de conservation qui était en cours au jour de la transmission à titre gratuit
En conséquence, bien que la transmission à titre gratuit ait eu lieu, les héritiers ou donataires doivent poursuivre l’engagement collectif jusqu’à son terme, avant de débuter leur engagement individuel de conservation.
Lorsque l’engagement collectif de conservation est conclu après le décès (engagement post mortem), l’engagement individuel de conservation ne débutera qu’à compter du terme de l’engagement collectif.
Lorsque l’engagement collectif de conservation est réputé acquis :
- en cas de mutations entre vifs, l’engagement individuel débute à compter de la date d’enregistrement de l’acte qui constate l’engagement individuel de conservation, s’agissant d’un acte sous seing privé, ou de la date de l’acte, s’agissant d’un acte authentique. Cette durée s’apprécie de date à date ;
- en cas de transmission par décès, l’engagement individuel de conservation commence au jour du décès du propriétaire des titres dont la transmission bénéficie de l’exonération partielle, l’engagement collectif se trouvant accompli à cette date. L’engagement individuel de conservation des titres doit figurer au pied de la déclaration de succession mais peut aussi faire l’objet d’un acte enregistré séparément.
2.2.3 Exercice d’une fonction de direction au sein de la société
Cette condition doit également être respectée pendant une durée de trois ans à compter de la date de transmission.
Durant cette période, la direction de la société doit être effectivement exercée par :
- l’un des héritiers ou légataires ou par le donataire qui a pris l’engagement individuel de conserver les titres reçus du fait de la transmission à titre gratuit ;
- ou l’un des associés membres de l’engagement collectif de conservation.
En outre, en cas de reconduction de l’engagement collectif à la suite de l’adhésion d’un nouvel associé, la fonction de direction doit être exercée pendant la durée de l’engagement collectif et les trois années suivant la transmission par l’un des bénéficiaires d’une transmission à titre gratuit ou un associé de l’engagement collectif.
Il est précisé que la personne qui remplit cette fonction durant l’engagement collectif de conservation de deux ans peut continuer à exercer cette fonction durant l’engagement individuel (pendant les 3 ans qui suivent la transmission).
Nous espérons que cet article vous aura donné entière satisfaction.
Bien évidemment si vous avez une quelconque question sur ce thème, n’hésitez pas à nous contacter, DEFI GROUPE CONSULTING est là pour vous conseiller et répondre à vos questions.